Lesessais de ValĂ©ry traduisent ses inquiĂ©tudes sur la pĂ©rennitĂ© de la civilisation (« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles »), l’avenir des « droits de l’esprit », le rĂŽle de la littĂ©rature dans la formation, et la rĂ©troaction du progrĂšs sur l’homme. Sa sĂ©rie « VariĂ©tĂ© » (I, II, III, IV, V) se compose d’un autre type d’écrits
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Nousautres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Sam 11 Nov - 11:38 par Morgan Kane: De Paul Valery, aprĂšs la premiĂšre guerre mondiale : Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d’empires coulĂ©s Ă  pic avec tous leurs hommes et tous leurs
Ennemi, tout ce qui dans notre vie nous nuit, joue contre nous en nous mettant en Ă©chec. Nous n’aimons pas nos ennemis et nous nous efforçons d’échapper Ă  leur pouvoir. Au contraire l’alliĂ© est accueilli avec reconnaissance. Il nous apporte son aide, concourt Ă  nos projets et Ă  nos actions. Ces deux fonctions sont antinomiques et il nous semble naĂŻvement qu’une mĂȘme chose ne peut pas ĂȘtre les deux Ă  la fois. C’est que d’ordinaire l’ambiguĂŻtĂ© nous Ă©chappe or ce qui est en jeu dans cet Ă©noncĂ© c’est prĂ©cisĂ©ment l’ambiguĂŻtĂ© de notre expĂ©rience du temps. Que le temps passe vite ! » Avec le temps va tout s’en va, [
] avec le temps tout fout le camp » se lamente-t-on comme si le temps Ă©tait vĂ©cu comme une malĂ©diction, un adversaire nous confrontant Ă  notre impuissance et suscitant rĂ©volte, dĂ©sespoir voire ressentiment. Mais d’autres expressions attestent du contraire. Fais confiance au temps, il guĂ©rit tout » dit-on parfois. Quel est donc le statut du temps dans l’existence humaine ? Un ennemi seulement ThĂšse ou aussi une chance, la condition de notre libertĂ© et l’occasion de dĂ©ployer les ressources sublimes de notre humanitĂ© AntithĂšse ? Et d’oĂč vient cette ambiguĂŻtĂ© ? DĂ©pend-elle de la nature du temps ou de notre maniĂšre de nous projeter vers lui ? DĂ©passement. Avertissement La problĂ©matique n’exige pas d’affronter la question de la nature du temps. De simples dĂ©finitions opĂ©ratoires suffisent. Il s’agit d’interroger l’expĂ©rience humaine du temps c’est-Ă -dire notre condition dans la mesure oĂč la temporalitĂ© en constitue l’étoffe. Il est donc pertinent de faire rebondir la rĂ©flexion en isolant un aspect du temps et en examinant les diffĂ©rentes maniĂšres de se situer par rapport Ă  lui. Plan et idĂ©es essentielles. I L’écoulement temporel. On dit que le temps passe ou s’écoule. Notre expĂ©rience du temps est celle du changement des ĂȘtres et des choses. Nous nous reprĂ©sentons le temps comme un fleuve emportant tout sur son passage. Un aphorisme d’HĂ©raclite dit Tu ne te baigneras pas deux fois dans le mĂȘme fleuve ». a La fuite du temps est expĂ©rience de la finitude. Le temps nous est comptĂ©, non par un caissier mais par un bourreau. Nous sommes tous des condamnĂ©s Ă  mort en sursis et chaque moment qui passe rapproche de l’échĂ©ance ultime. D’oĂč l’angoisse, compagne fidĂšle de l’existant. b Mais c’est parce que la vie est limitĂ©e, fragile qu’elle a une infinie valeur. Sa puissance d’émotion, son caractĂšre sacrĂ© procĂšde de sa briĂšvetĂ©. Une vie sans fin s’oublierait comme don prĂ©cieux et exposerait Ă  l’ennui. C’est aussi parce que la vie est menacĂ©e qu’il y a une urgence de vivre c’est-Ă -dire de cueillir le jour et d’agir pendant qu’il est temps. Enfin le sablier qui s’écoule est l’aiguillon de la crĂ©ation. HantĂ© par la caractĂšre destructeur du temps l’homme produit des Ɠuvres par lesquelles il cherche Ă  se survivre. Le monument de la culture est un dĂ©fi au temps et Ă  la mort. Il est selon la belle formule de Malraux un antidestin ». a La fuite du temps, c’est le vieillissement, l’essoufflement de la vitalitĂ© juvĂ©nile, les offenses diverses de l’ñge, la perte des illusions. Elle nous confronte Ă  l’inexorable travail d’anĂ©antissement effectuant en nous son Ɠuvre dĂ©lĂ©tĂšre. Or il y a en l’homme une horreur de ce qui dĂ©truit. b Certes mais pour ceux qui ne se contentent pas d’ĂȘtre le terrain oĂč s’effectue la geste destructrice du temps, vieillir est l’occasion d’acquĂ©rir de l’expĂ©rience, de mĂ»rir et de devenir plus sage. De construire aussi, en inscrivant son effort dans une durĂ©e nous liant Ă  ceux qui nous ont prĂ©cĂ©dĂ©s et Ă  ceux qui nous suivront. Le temps est ici le mouvement de l’histoire par lequel l’humanitĂ© qui commence par n’ĂȘtre rien dĂ©ploie progressivement les dispositions de sa nature. On peut donc rendre grĂące au temps d’ĂȘtre la condition du perfectionnement de notre nature ThĂšse kantienne, ou de ce qui est nĂ©cessaire Ă  la raison universelle pour s’incarner dans le rĂ©el ThĂšse hĂ©gĂ©lienne. II L’irrĂ©versibilitĂ© temporelle. Si l’espace peut se parcourir de A en B et de B en A, le temps a une direction. On ne peut jamais revenir en arriĂšre. Il ne se parcourt que dans un seul sens. a Ce qui a Ă©tĂ© n’est plus, d’oĂč la nostalgie des jours heureux. Ce qui est fait ne peut ĂȘtre dĂ©fait. Tous les onguents d’Arabie n’effaceront pas la tĂąche de sang qui souille la main de Lady Macbeth. D’oĂč le regret et le remords. Temps marque de mon impuissance » remarque Jules Lagneau et Nietzsche pointe dans le temps, l’adversaire qui, en enchaĂźnant l’homme Ă  un passĂ© dĂ©finitivement fixĂ©, condamne la volontĂ© Ă  ne pas pouvoir tout vouloir. D’oĂč le poison du ressentiment. Ceci, oui, seul ceci est la vengeance mĂȘme le ressentiment de la volontĂ© contre le temps et son ce fut ». De La rĂ©demption. Ainsi parlait Zarathoustra. b Mais l’expĂ©rience de cette impuissance existentielle peut conduire les hommes Ă  libĂ©rer les ressources les plus sublimes de leur nature. Le pardon, par exemple, comme rĂ©demption possible de la situation d’irrĂ©versibilitĂ© » Hannah Arendt. Condition de l’homme moderne, Pocket, p. 302. La justice comme souci de la rĂ©paration, fĂ»t-elle purement symbolique et surtout le sentiment de responsabilitĂ©. Puisqu’on ne peut pas dĂ©faire ce qui a Ă©tĂ© fait, il importe de bien mesurer les consĂ©quences de ses actes et d’éviter de commettre l’irrĂ©parable. a L’irrĂ©versibilitĂ©, c’est aussi la fatalitĂ© de l’oubli. On est des machines Ă  oublier » vitupĂšre Barbusse dans son roman Le Feu et Proust, ce grand poĂšte de l’oubli, s’obstine Ă  retrouver le temps perdu. C’est que l’oubli abĂźme dans le nĂ©ant ce qui fut ; il expose Ă  recommencer les erreurs passĂ©es ou Ă  perdre le capital des richesses conquises par le travail des hommes, ces richesses que seules la transmission et la mĂ©moire peuvent faire fructifier. b Certes il y a une nĂ©gativitĂ© de l’oubli mais il y a aussi une positivitĂ©. La mĂ©moire est, en effet, dangereuse lorsqu’elle emprisonne l’esprit dans des cadres figĂ©s, rend indisponible au prĂ©sent et Ă  son imprĂ©visible nouveautĂ©, rĂ©active en permanence les blessures passĂ©es et cultive le ressentiment. Le souvenir peut ĂȘtre une plaie purulente dont le bienheureux oubli libĂšre utilement. Il est possible de vivre presque sans souvenir et de vivre heureux, comme le dĂ©montre l’animal, mais il est impossible de vivre sans oublier. Ou plus simplement encore, il y a un degrĂ© d’insomnie, de rumination, de sens historique qui nuit au vivant et qui finit par le dĂ©truire, qu’il s’agisse d’un homme, d’une nation ou d’une civilisation » Nietzsche, ConsidĂ©rations intempestives II, Aubier Montaigne, p. 207. ValĂ©ry de mĂȘme souligne la nocivitĂ© d’une certaine culture de la mĂ©moire et de l’histoire L’Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait Ă©laborĂ©. Ses propriĂ©tĂ©s sont bien connues. Il fait rĂȘver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagĂšre leurs rĂ©flexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au dĂ©lire des grandeurs ou Ă , celui de la persĂ©cution, et rend les nations amĂšres, superbes, insupportables et vaines » Regards sur le monde actuel, 1945. Ainsi le temps qui passe apaise les douleurs, Ă©teint les regrets et les remords. Il guĂ©rit les plaies dit la sagesse des nations. III Le temps est ce qui fait que rien ne demeure identique Ă  soi. Tout devient. a Le temps est en ce sens l’ennemi intime de l’homme car celui-ci est habitĂ© par un dĂ©sir d’ĂȘtre ou d’éternitĂ©. F. AlquiĂ© a montrĂ© que ce dĂ©sir prend la forme d’un refus affectif du temps, Ă  l’Ɠuvre dans la passion Je jure de t’aimer Ă©ternellement » s’écrie Juliette, ou d’un refus intellectuel du temps qui est peut-ĂȘtre la vĂ©ritĂ© de la philosophie. Le penseur platonicien fuit les ombres mouvantes de la caverne pour viser l’horizon stable des essences Ă©ternelles. La pensĂ©e grecque oppose ainsi le monde de l’Etre au monde du devenir et enseigne que philosopher consiste Ă  mourir Ă  cette mort de tous les instants qu’est la vie selon le principe matĂ©riel. Par la pensĂ©e, l’homme se sent participer Ă  une dimension d’éternitĂ© l’arrachant au monde du pĂ©rissable, de la finitude et de la contingence, la vie spirituelle s'expĂ©rimentant comme une victoire de tous les instants sur la mort. Spinoza se fait l'Ă©cho de ce vĂ©cu L’esprit humain ne peut ĂȘtre absolument dĂ©truit avec les corps, mais il en subsiste quelque chose qui est Ă©ternel » Ethique, V, Prop. XXIII. Nous sentons et faisons l’épreuve que nous sommes Ă©ternels » Ibid, scolie. Parce que la vĂ©ritĂ© est Ă©trangĂšre au temps, la facultĂ© permettant de la penser s'Ă©prouve elle aussi hors du temps. b Pourtant si tout demeurait identique Ă  soi, l’Etre serait figĂ©. La diversitĂ©, le mouvement, la nouveautĂ©, en un mot la vie, serait immobilisĂ©e dans l’identitĂ© de la mort. Le temps est le cadre dans lequel se dĂ©ploie la richesse crĂ©atrice de la vie et surtout il est la condition de la libertĂ©. L’homme n’a pas d’ĂȘtre, il n’a pas la consistance ou la permanence d’une essence. Il se construit dans le temps. Le devenir est une durĂ©e concrĂšte oĂč s’interpĂ©nĂštrent le passĂ© et l’avenir et oĂč s’invente une personne en charge de son possible et toujours en situation de se faire autre que ce qu’elle a Ă©tĂ©. IV Victoire ultime de la mort. Le temps dĂ©truit tout. Le sage meurt aussi bien que le fou » se lamente l’EcclĂ©siaste et s’il est vrai que l’homme peut conquĂ©rir une immortalitĂ© relative en survivant dans la mĂ©moire des autres, nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles »ValĂ©ry, La Crise de l’esprit. a Cette conscience de l’éternelle caducitĂ© des choses peut ĂȘtre un principe de dĂ©couragement et de dĂ©sespoir. A quoi bon monter jusqu’au soir, poser sa pierre, construire puisqu’au bout du compte tous nos efforts seront rĂ©duits Ă  nĂ©ant ? Kierkegaard remarquait que L’idĂ©e de la mort amĂšne peut-ĂȘtre l’esprit plus profond Ă  un sentiment d’impuissance oĂč il succombe sans ressort » Sur une tombe, in L’existence, PUF, p. 213. C’est le sentiment de l’absurde et son effet dĂ©vastateur souvent. b Mais Ă  l’homme animĂ© de sĂ©rieux, la pensĂ©e de la mort donne l’exacte vitesse Ă  observer dans la vie, et elle lui indique le but oĂč diriger sa course. Et nul arc ne saurait ĂȘtre tendu ni communiquer Ă  la flĂšche sa vitesse comme la pensĂ©e de la mort stimule le vivant dont le sĂ©rieux tend l’énergie. Alors le sĂ©rieux s’empare de l’actuel aujourd’hui mĂȘme, il ne dĂ©daigne aucune tĂąche comme insignifiante ; il n’écarte aucun moment comme trop court ; il travaille de toutes ses forces Ă  plein rendement, prĂȘt cependant Ă  sourire de lui-mĂȘme si son effort se prĂ©tend mĂ©ritoire devant Dieu, et prĂȘt Ă  comprendre en son impuissance qu’un homme n’est rien et qu’en travaillant avec la derniĂšre Ă©nergie, l’on ne fait qu’obtenir la vĂ©ritable occasion de s’étonner de Dieu » Ibid. Peut-on dire de maniĂšre plus sublime que la mort est le stimulant de la vie et qu’il est possible de dĂ©finir une grandeur de l’homme absurde ? Si ce n’est pas celle que professe Kierkegaard, c’est Ă  coup sĂ»r celle de Camus pour qui la vie est un exercice de dĂ©tachement et de passion qui consomme la splendeur et l’inutilitĂ© d’une vie d’homme » Le mythe de Sisyphe 1942. Camus demande d’imaginer Sisyphe heureux. Je laisse Sisyphe au bas de la montagne ! On retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidĂ©litĂ© supĂ©rieure qui nie les dieux et soulĂšve les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet univers dĂ©sormais sans maĂźtre ne lui paraĂźt ni stĂ©rile, ni futile. Chacun des grains de cette pierre, chaque Ă©clat minĂ©ral de cette montagne pleine de nuit, Ă  lui seul forme un monde. La lutte vers les sommets suffit Ă  remplir un cƓur d’homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux ». V DĂ©passement. Le temps, dont la nature est d’ailleurs pour nous une Ă©nigme, n’est en soi ni un alliĂ© ni un ennemi. Il est l’étoffe de notre existence dans la mesure oĂč la maniĂšre d’ĂȘtre fondamentale de l’existant est de se projeter vers ce qui n’est pas encore en se souvenant de ce qui fut. C’est que notre Ăąme est capable de distension, disait St Augustin, de rĂ©tention du passĂ©, de protention vers l’avenir et d’attention au prĂ©sent. Dans cette capacitĂ© se joue ce que le temps a de pire et de meilleur pour nous. Mais ce qui en dĂ©cide, c’est en dĂ©finitive notre maniĂšre d’ĂȘtre en situation par rapport Ă  lui. L’impatience du dĂ©sir voudrait le rĂ©trĂ©cir et pourtant il faut bien attendre que le sucre fonde. La nostalgie voudrait le retenir et pourtant inĂ©luctablement il nous Ă©loigne de ce qui fut. Son coefficient d’adversitĂ© ou de positivitĂ© n’est donc pas en lui, il est en nous car il dĂ©pend de notre folie ou de notre sagesse. Folie du dĂ©sir qui s’illimite, aspire Ă  l’éternitĂ©, refuse la loi du rĂ©el car en refusant le devenir, l’irrĂ©versibilitĂ©, la finitude, on se condamne Ă  consacrer son impuissance. La sagesse consiste Ă  comprendre qu’il n’y a d’ĂȘtre que de ce qui devient, que l’éternitĂ© dont nous faisons l’expĂ©rience en tant qu’ĂȘtres pensants est moins la preuve de notre appartenance Ă  l’intemporel qu’une production propre Ă  la temporalitĂ© elle-mĂȘme, qui serait capable, en l’ĂȘtre humain, de projeter l’horizon de son propre dĂ©passement » F Dastur, La mort, Essai sur la finitude, Hatier, p. 4. Il dĂ©pend donc de nous de faire de ce devenir le cadre de notre libertĂ©, de la crĂ©ation individuelle et collective, du courage d’affirmer, mĂȘme si c’est absurde, notre dignitĂ© d’homme et l’infinie reconnaissance d’avoir Ă©tĂ© jetĂ© dans le temps, un temps hors duquel nous ne serions sans doute rien. Conclusion La question Ă©tait de savoir si le temps est notre alliĂ© ou notre ennemi. Au terme de cette rĂ©flexion, on peut dire qu’il n’est par nature ni l’un ni l’autre. Il est ce que l’homme dĂ©cide qu’il soit. Partager Marqueursdevenir, Ă©ternitĂ©, ĂȘtre, existence, finitude, irrĂ©versibilitĂ©, justice, mort, pardon, regret, remords, responsabilitĂ©, ressentiment, temporalitĂ©, temps

Nous autres, civilisations, savons maintenant que nous sommes mortelles », se dĂ©solait Paul ValĂ©ry dans La Crise de l’esprit, en 1919, au lendemain du dĂ©sastre de la PremiĂšre Guerre mondiale. Sans lui faire injure, d’autres n’avaient pas attendu si longtemps pour en faire l’amĂšre expĂ©rience. La preuve avec cette soirĂ©e consacrĂ©e Ă  deux civilisations anciennes,

PENSER LE MONDE AU TEMPS DU CORONAVIRUS CHRONIQUE 1, LE 20 MARS 2020 MORTELLE CIVILISATION ! En ces temps obscurs et douloureux, de confinement quasi planĂ©taire, oĂč un flĂ©au d’une ampleur encore incommensurable sur le plan humain, tant du point de vue sanitaire que social ou psychologique sans mĂȘme parler de ses dĂ©sastreuses consĂ©quences Ă©conomiques, rĂ©pand la mort, angoisse et souffrance, aux quatre coins de nos cinq continents, et surtout en Europe aujourd’hui, il serait tentant, mais peut-ĂȘtre aussi trop facile, de paraphraser, en en dĂ©plaçant certes le contexte historique, la cĂ©lĂ©brissime premiĂšre phrase de Marx et Engels en leur non moins fameux Manifeste du Parti Communiste un spectre hante l’Europe le spectre du coronavirus ». Je ne m’y adonnerai toutefois pas ici. L’heure, en effet, est suffisamment grave, en cette deuxiĂšme dĂ©cennie du XXIe siĂšcle, et la situation suffisamment sĂ©rieuse, pour ne rien ajouter, face Ă  cette prĂ©occupante pandĂ©mie du covid-19, au catastrophisme ambiant, Ă  un alarmisme exagĂ©rĂ© ou Ă  une quelconque et trĂšs malvenue thĂ©orie du complot, oĂč de nouveaux apprentis sorciers, idĂ©ologues de tous poils et autres prĂȘcheurs de mauvais aloi, font de leur prĂ©tendu savoir, mais bien plus encore de leur fonciĂšre ignorance, le lit aussi nausĂ©abond qu’arrogant de leurs propres et seuls calculs politiques, souvent fanatisĂ©s. Honte Ă  ces sinistres dĂ©magogues qui exploitent ainsi sans vergogne, sur de misĂ©rables vidĂ©os qu’ils essaiment Ă  l’envi sur les diffĂ©rents rĂ©seaux sociaux, l’actuelle dĂ©tresse humaine ! C’est donc Ă  un immense poĂšte, philosophe Ă  ses heures intelligemment perdues – le grand Paul ValĂ©ry –, que je ferai appel ici, plus modestement, afin d’éclairer quelque peu, certes humblement mais plus sagement aussi, cette sombre et funeste plaie du temps prĂ©sent. LA CRISE DE L’ESPRIT Il y a tout juste un peu plus d’un siĂšcle, en 1918, au lendemain donc de la PremiĂšre Guerre mondiale mais le prĂ©sident de la RĂ©publique Française, Emmanuel Macron en personne, ne vient-il pas de marteler que, face Ă  cet ennemi invisible et insaisissable » qu’est ce menaçant coronavirus, nous Ă©tions prĂ©cisĂ©ment en guerre » ?, ValĂ©ry Ă©crivait, en effet, un texte mĂ©morable, d’une extraordinaire profondeur d’ñme et dont l’emblĂ©matique titre, La Crise de l’Esprit », devrait plus que jamais rĂ©sonner, aujourd’hui, comme un pressant quoique salutaire cri d’alarme, Ă  mĂ©diter toutes affaires cessantes, au vu de cette urgence simplement mĂ©dicale, pour l’avenir, sinon la sauvegarde, de l’humanitĂ©. Ainsi donc ValĂ©ry commençait-il dĂ©jĂ  Ă  l’époque, d’une formule dont la concision n’avait d’égale que sa justesse, son admirable mĂ©ditation Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » Et de justifier ensuite, avec force dĂ©tails et preuves Ă  l’appui, quoique sans pour autant jamais tomber en un nihilisme tout aussi dĂ©sespĂ©rant, voire suspect, cette douloureuse mais lucide assertion Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d’empires coulĂ©s Ă  pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable des siĂšcles avec leurs dieux et leur lois, leurs acadĂ©mies et leurs sciences pures et appliquĂ©es, avec leurs grammaires, leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs romantiques et leurs symbolistes, leurs critiques et les critiques de leurs critiques. Nous savions bien que toute la terre apparente est faite de cendres, que la cendre signifie quelque chose. Nous apercevions Ă  travers l’épaisseur de l’histoire, les fantĂŽmes d’immenses navires qui furent chargĂ©s de richesse et d’esprit. Nous ne pouvions pas les compter. Mais ces naufrages, aprĂšs tout, n’étaient pas notre affaire. Elam, Ninive, Babylone Ă©taient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avaient aussi peu de signification pour nous que leur existence mĂȘme. Mais France, Angleterre, Russie
 ce seraient aussi de beaux noms. 
 Et nous voyons maintenant que l’abĂźme de l’histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la mĂȘme fragilitĂ© qu’une vie. Les circonstances qui enverraient les Ɠuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les Ɠuvres de MĂ©nandre ne sont plus du tout inconcevables elles sont dans les journaux. » UNE CIVILISATION A LA MÊME FRAGILITE QU’UNE VIE ValĂ©ry, oui, a, hĂ©las, raison Ă  l’heure oĂč l’humanitĂ© se voit aujourd’hui menacĂ©e trĂšs concrĂštement, pour reprendre les termes mĂȘmes des principaux responsables de l’OMS Organisation Mondiale de la SantĂ© aussi bien que de l’ONU Organisation des Nations-Unies, et face Ă  laquelle le nouveau coronavirus n’est assurĂ©ment que le symptĂŽme Ă  la fois le plus spectaculaire, vaste et dangereux, nous sentons qu’une civilisation a la mĂȘme fragilitĂ© qu’une vie ! Car cette humanitĂ©, effectivement, est aujourd’hui comme assiĂ©gĂ©e de toutes parts rĂ©chauffement climatique ; pollution atmosphĂ©rique ; destruction de l’écosystĂšme ; rĂ©trĂ©cissement du biotope ; Ă©rosion des glaciers ; fonte des neiges ; Ă©lĂ©vation des ocĂ©ans ; inondations et tsunamis ; cyclones et tremblements de terre ; disparition d’espĂšces animales ; Ă©touffement de la faune vĂ©gĂ©tale et marine ; apparition de maladies inconnues et de nouvelles pathologies ; Ă©pidĂ©mies incontrĂŽlables ; augmentation des dĂ©pressions nerveuses, des burn out et des suicides ; multiplication des guerres locales ou tribales ; propagation du terrorisme islamiste ; retour de l’obscurantisme religieux ; montĂ©e des extrĂ©mismes et autres populismes ; migrations gigantesques ; dĂ©placements de populations ; pauvretĂ© grandissante ; crash boursiers ; robotisation de l’humain, voire du post-humain ; emballement du capitalisme sauvage ; triomphe de l’argent ; soif de compĂ©tition mal comprise ; mĂ©pris de la culture au profit du happening ; dĂ©perdition de la langue comme de l’écrit ; nĂ©gation du rĂ©el au profit du virtuel ; Ă©mergence de la pensĂ©e unique au dĂ©triment de la rĂ©flexion critique ; rĂšgne de l’effet de mode ; empire du conformisme ambiant ; valorisation du matĂ©rialisme et dĂ©valorisation du spirituel ; course folle Ă  l’armement ; perte de tout point de repĂšre pour une jeunesse en mal d’idĂ©aux ; dĂ©prĂ©ciation des valeurs morales, du sens de l’éthique et des comportements civiques, toutes choses pourtant essentielles Ă  la bonne marche du monde ; aveuglement de masse 
 Et j’en passe les tares de notre pseudo modernitĂ© sont trop nombreuses pour que je puisse les Ă©numĂ©rer toutes ici ! LA NATURE, A DEFAUT DE CƒUR, A SES RAISONS QUE LA RAISON NE CONNAÎT PAS Ainsi donc, oui, Paul ValĂ©ry, esprit fin, cultivĂ©, profond et subtil Ă  la fois, a raison notre civilisation, nous le constatons Ă  prĂ©sent de maniĂšre on en peut plus tangible avec cette dramatique crise du coronavirus, est, elle aussi, mortelle ! A cette Ă©norme diffĂ©rence prĂšs qu’elle s’avĂšre aujourd’hui doublement mortelle mortelle au sens passif – elle se meurt, inexorablement, et par notre propre faute – mais aussi au sens actif – elle est en train, littĂ©ralement, de nous tuer, en une soudaine accĂ©lĂ©ration exponentielle, et toujours par notre propre faute, ce mixte inconsidĂ©rĂ© d’inconscience, d’imprĂ©vision et d’égoĂŻsme, de piĂštres calculs Ă  toujours Ă  trop courts termes, sans visions d’ensemble, aiguillonnĂ©e par le seul intĂ©rĂȘt particulier au dĂ©triment de l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. Oui, le monde contemporain a les idĂ©es courbes plus encore que courtes voilĂ  pourquoi, dĂ©sormais, il ne tourne plus rond qu’en apparence. Pis il se veut tellement rĂ©glĂ©, formatĂ©, normatif, telle une parfaite machine Ă  fabriquer un totalitarisme qui s’ignore, un fascisme qui ne dit pas son nom, qu’il a fini, au comble d’un paradoxe aussi vertigineux que comprĂ©hensible, par se dĂ©rĂ©gler, sans plus de limites pour le contenir dans la sphĂšre de la raison, du simple bon sens. Nous en payons aujourd’hui, prĂ©cisĂ©ment, le lourd et tragique tribut ! Le systĂšme, en ces temps aux rumeurs d’apocalypse, est, manifestement, Ă  bout de souffle un minuscule mais surpuissant virus peut anĂ©antir, ou presque, sinon une civilisation tout entiĂšre, du moins l’arrogance des hommes ! Terrible et fatidique boomerang ! La technologie, fĂ»t-elle la plus sophistiquĂ©e, n’y peut rien la nature, Ă  dĂ©faut du cƓur, a ses raisons que la raison ne connaĂźt pas ! IL FAUT TENTER DE VIVRE ! D’oĂč, urgente, cette conclusion en forme de priĂšre l’ĂȘtre humain, s’il ne veut pas vĂ©ritablement disparaĂźtre, saura-t-il enfin prendre Ă  sa juste mesure, en y rĂ©flĂ©chissant doctement, avec la sagesse dont il est encore capable, les impĂ©rieuses, et surtout vitales, leçons de cette tragique, sinon encore fatale, histoire ? C’est lĂ  un souhait que j’exprime ici trĂšs sincĂšrement, nanti de l’indĂ©fectible soutien moral et intellectuel, lĂ  encore, du grand Paul ValĂ©ry dans les derniers vers de cette splendide mĂ©ditation, quasi mĂ©taphysique, sur la mort qu’est son CimetiĂšre Marin », l’un des plus beaux poĂšmes, au sein de la littĂ©rature française, du XXe siĂšcle Le vent se lĂšve !... Il faut tenter de vivre ! » Allez, courage, hommes et femmes de bonne volontĂ© la guerre, malgrĂ© l’immense souffrance de ce monde aujourd’hui endeuillĂ©, et par-delĂ  mĂȘme ce douloureux avertissement qui nous Ă©treint quotidiennement, n’est pas perdue ! DANIEL SALVATORE SCHIFFER* *Philosophe, auteur, notamment, de La Philosophie d’Emmanuel Levinas – MĂ©taphysique, esthĂ©tique, Ă©thique » Presses Universitaires de France, Oscar Wilde » et Lord Byron publiĂ©s tous deux chez Gallimard – Folio Biographies, TraitĂ© de la mort sublime – L’art de mourir de Socrate Ă  David Bowie Alma Editeur, Divin Vinci – LĂ©onard de Vinci, l’Ange incarnĂ© » et Gratia Mundi – RaphaĂ«l, la GrĂące de l’Art » publiĂ©s tous deux aux Editions Erick Bonnier. Nous savons maintenant » Ce maintenant dĂ©signe bien le moment oĂč le texte a Ă©tĂ© Ă©crit, soit l’annĂ©e 1919. Quelque chose d’irrĂ©versible s’est produit alors et, dĂ©sormais, les choses ne sont plus et ne seront plus jamais comme avant. Le fait qu’une civilisation soit « mortelle » n’est pas en soi une vĂ©ritable information. Nous savons bien, nous-mĂȘmes, lecteurs
Ambroise Paul Toussaint Jules ValĂ©ry est un Ă©crivain, poĂšte, philosophe et Ă©pistĂ©mologue français, nĂ© Ă  SĂšte HĂ©rault le 30 octobre 1871 et mort Ă  Paris le 20 juillet 1945. NĂ© d’un pĂšre d’origine corse et d’une mĂšre gĂ©noise, Paul ValĂ©ry entame ses Ă©tudes Ă  SĂšte alors orthographiĂ©e Cette chez les dominicains, puis au collĂšge de SĂšte et enfin au lycĂ©e de Montpellier. Il commence en 1889 des Ă©tudes de droit. Cette mĂȘme annĂ©e, il publie ses premiers vers dans la Revue maritime de Marseille. Sa poĂ©sie de cette Ă©poque s’inscrit dans la mouvance symboliste. Dans la nuit du 4 au 5 octobre 1892, il connaĂźt Ă  GĂȘnes ce qu’il dĂ©crit comme une grave crise existentielle. Il sort rĂ©solu Ă  rĂ©pudier les idoles de la littĂ©rature, de l’amour, de l’imprĂ©cision, pour consacrer l’essentiel de son existence Ă  ce qu’il nomme la vie de l’esprit. En tĂ©moignent les Cahiers dans lesquels il s’astreint Ă  noter toutes ses rĂ©flexions au petit matin. AprĂšs quoi, ajoute-t-il en maniĂšre de boutade, ayant consacrĂ© ces heures Ă  la vie de l’esprit, je me sens le droit d’ĂȘtre bĂȘte le reste de la journĂ©e. La poĂ©sie est-elle exclue pour autant de sa vie ? Non, car justement, selon ValĂ©ry, tout poĂšme n’ayant pas la prĂ©cision exacte de la prose ne vaut rien ». Tout au plus a-t-il vis-Ă -vis d’elle la mĂȘme distance que Malherbe affirmant sĂ©rieusement qu’un bon poĂšte n’est pas plus utile Ă  l’État qu’un bon joueur de quilles. Quoi qu’il en soit, Paul ValĂ©ry indique Ă  plusieurs reprises qu’il considĂšre cette nuit passĂ©e Ă  GĂȘnes comme sa vĂ©ritable origine, le dĂ©but de sa vie mentale. En 1894, il s’installe Ă  Paris, oĂč il commence Ă  travailler comme rĂ©dacteur au ministĂšre de la Guerre, et oĂč il se lie avec Paul LĂ©autaud. Il reste distant de l’écriture poĂ©tique pour se consacrer Ă  la connaissance de soi et du monde. Depuis 1900 jusqu’en 1922, secrĂ©taire particulier d’Édouard Lebey, administrateur de l’agence Havas, il s’affaire chaque matin aux petites heures Ă  la rĂ©daction de ses Cahiers, journal intellectuel et psychologique dont l’essentiel n’est publiĂ© qu’aprĂšs sa mort. En 1900, il Ă©pouse Jeannie Gobillard, une cousine germaine de Julie Manet elle mĂȘme fille de Berthe Morisot et d’EugĂšne Manet, le frĂšre d’Edouard Manet qui Ă©pouse le mĂȘme jour Ernest Rouart. Le double mariage est cĂ©lĂ©brĂ© en l’église Saint-HonorĂ© d’Eylau, dans le quartier de Passy Ă  Paris. Le couple ValĂ©ry est logĂ© dans l’immeuble construit par les parents de Julie, dans la rue de Villejust aujourd’hui, rue Paul-ValĂ©ry dont a hĂ©ritĂ© la jeune Julie alors qu’elle n’avait pas dix-huit ans 1895. Le couple ValĂ©ry-Gobillard aura trois enfants et demeurera liĂ© au couple Rouart-Manet qui aura trois fils, Ă  tel point que les deux familles partageront aussi leurs vacances dans la propriĂ©tĂ© Le Mesnil », achetĂ©e par Berthe Morisot et EugĂšne Manet sur les bords de Seine, en aval de Meulan, peu avant la mort d’EugĂšne 1893. Julie, unique hĂ©ritiĂšre aprĂšs le dĂ©cĂšs de Berthe en 1895, laissera les portes du Mesnil ouvertes au couple ValĂ©ry-Gobillard jusqu’à ce que la mort les sĂ©pare. Paul ValĂ©ry suit les mardis de StĂ©phane MallarmĂ©, Rue de Rome », sĂ©minaire qui a lieu au domicile du poĂšte dont il restera l’un des plus fidĂšles disciples. En 1917, sous l’influence de Gide notamment, il revient Ă  la poĂ©sie avec La Jeune Parque, publiĂ©e chez Gallimard. Il brise un long silence’ avec ce poĂšme de 500 vers auquel il a consacrĂ© quelque quatre annĂ©es. Initialement, il devait Ă©crire – Ă  la demande de son Ă©diteur Gallimard et de son ami AndrĂ© Gide – une prĂ©face poĂ©tique d’une trentaine de lignes pour accompagner une réédition de ses premiers poĂšmes. Mais il fut dĂ©passĂ© par le projet initial et Ă©crivit alors ce que d’aucun considĂšre comme son chef d’Ɠuvre le monologue intĂ©rieur d’une jeune femme en proie Ă  un combat entre le corps et l’esprit, Ă©crit dans un formalisme digne de son maĂźtre MallarmĂ©. Un autre grand poĂšme suit quelques annĂ©es plus tard Le CimetiĂšre marin » 1920, puis un recueil, Charmes » 1922. Toujours influencĂ© par StĂ©phane MallarmĂ©, Paul ValĂ©ry privilĂ©gia toujours dans sa poĂ©sie la maĂźtrise formelle sur le sens et l’inspiration Mes vers ont le sens qu’on leur prĂȘte ». AprĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale, Paul ValĂ©ry devient une sorte de poĂšte officiel », immensĂ©ment cĂ©lĂšbre — peu dupe, il s’en amuse — et comblĂ© d’honneurs. En 1924, il devient prĂ©sident du Pen Club français, puis il est Ă©lu membre de l’AcadĂ©mie française l’annĂ©e suivante. Dans le discours de rĂ©ception qu’il prononce le 23 juin 1927, Paul ValĂ©ry fait l’éloge d’Anatole France, son prĂ©dĂ©cesseur, sans prononcer son nom une seule fois. En 1932, il entre au conseil des musĂ©es nationaux ; en 1933, il est nommĂ© administrateur du Centre universitaire mĂ©diterranĂ©en de Nice ; en 1936, il est nommĂ© prĂ©sident de la Commission de synthĂšse de la coopĂ©ration culturelle pour l’exposition universelle ; en 1937, on crĂ©e pour lui la chaire de poĂ©tique au CollĂšge de France ; en 1939, enfin, il devient prĂ©sident d’honneur de la SACEM. Son Ɠuvre vĂ©ritable, pendant ce temps, continue toujours dans l’ombre. La profondeur des rĂ©flexions qu’il a Ă©mises dans des ouvrages exigeants Introduction Ă  la mĂ©thode de LĂ©onard de Vinci, La soirĂ©e avec monsieur Teste, ses rĂ©flexions sur le devenir de la civilisation Regards sur le monde actuel et sa vive curiositĂ© intellectuelle en ont fait un interlocuteur de Raymond PoincarĂ©, Louis de Broglie, Henri Bergson et Albert Einstein. Sous l’Occupation, Paul ValĂ©ry, refusant de collaborer, prononce en sa qualitĂ© de secrĂ©taire de l’AcadĂ©mie française l’éloge funĂšbre du juif Henri Bergson ». Cette prise de position lui vaut de perdre ce poste, comme celui d’administrateur du Centre universitaire de Nice Centre universitaire mĂ©diterranĂ©en. Il meurt le 20 juillet 1945, quelques semaines aprĂšs la fin de la Seconde Guerre mondiale. AprĂšs des funĂ©railles nationales Ă  la demande de Charles de Gaulle, il est inhumĂ© Ă  SĂšte, au cimetiĂšre marin qu’il avait cĂ©lĂ©brĂ© dans un poĂšme. Les essais de ValĂ©ry traduisent ses inquiĂ©tudes sur la pĂ©rennitĂ© de la civilisation Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », l’avenir des droits de l’esprit », le rĂŽle de la littĂ©rature dans la formation, et la rĂ©troaction du progrĂšs sur l’homme. Sa sĂ©rie VariĂ©tĂ© » I, II, III, IV, V se compose d’un autre type d’écrits ceux qui lui ont Ă©tĂ© commandĂ©s et qu’il n’eĂ»t sans doute, de son aveu, jamais Ă©crits de lui-mĂȘme. Ils n’en tĂ©moignent pas moins d’une profondeur d’analyse souvent Ă©blouissante que l’on retrouve aussi dans la sĂ©rie de courts essais sur divers sujets d’actualitĂ© du XXe siĂšcle publiĂ©e sous le titre Regards sur le monde actuel Voir par exemple Notre destin et les lettres ». Sa correspondance avec AndrĂ© Gide a Ă©tĂ© publiĂ©e Ă  la NRF en 2009. On retrouve dans ses Cahiers des passages de Tel quel » ainsi que des indications probablement destinĂ©es Ă  faciliter leur regroupement en un seul ouvrage ou en des ouvrages ultĂ©rieurs Nombres plus subtils, Robinson, etc. Il a aussi publiĂ© L’IdĂ©e fixe ». La portĂ©e philosophique et Ă©pistĂ©mologique de l’Ɠuvre de ValĂ©ry est souvent mĂ©connue, peut-ĂȘtre en raison de la publication tardive de ses cahiers. Pourtant ValĂ©ry est l’un des penseurs Ă©minents du constructivisme. Le rapport que ValĂ©ry entretient avec la philosophie est singulier. Dans ses Cahiers il Ă©crit Je lis mal et avec ennui les philosophes, qui sont trop longs et dont la langue m’est antipathique. ». En effet, s’il s’inspire librement de Descartes en ce qui concerne une certaine mĂ©thode du penser », il est en revanche trĂšs critique sur le discours philosophique lui-mĂȘme. Pour ValĂ©ry, le philosophe est plus un habile sophiste, manieur de concepts, qu’un artisan au service du Savoir comme l’est le scientifique. En revanche, son dĂ©sir de comprendre le monde dans sa gĂ©nĂ©ralitĂ© et jusqu’au processus de la pensĂ©e lui-mĂȘme — caractĂ©ristique du philosophe — oriente fortement son travail.
P Valéry écrit : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles; nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d'empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins, descendus au fond Inexplorable des siÚcles, avec leurs dieux et leurs lois, leurs académies et leurs dictionnaires, leurs classiques. leurs

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Elleprétendait à une domination éternelle, jusqu'au grand effondrement civilisationnel qu'a représenté la PremiÚre Guerre Mondiale. Guerre mondiale qu'un autre grand amateur de ruines et de monde méditerranéen, Paul Valéry, avait dit : "Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles". Johann Chapoutot
Nous autres, civilisations contemporaines, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », assurait Paul ValĂ©ry. Mais proche ou lointaine, dans le temps comme dans l’espace, mythique ou rĂ©elle, fantasmĂ©e ou créée de toutes piĂšces, chaque civilisation s’affranchit de cette mortalitĂ©, tant pour les historiens que pour les artistes, car elle est le creuset dans lequel est fondu l’imaginaire. Et le propre de l’imaginaire n’est-il pas d’ĂȘtre riche et multiple ? Dix-neuf auteurs vous invitent ici Ă  parcourir les chemins de civilisations perdues ou Ă  venir Lalex Andrea, Jean-Pierre Andrevon, Alberto Arrecchi, Pascal Bayle, Ugo Bellagamba, CĂ©line Ceron Gomez, Dounia Charaf, LoĂŻc Daverat, Renaud Ehrengardt, Estelle Faye, Ïan Larue, Morgane Marchand, Johanna Marines, BĂ©rangĂšre Monraisse, Morency, TimothĂ©e Rey, Chantal Robillard, Mara Sedan et Ketty Steward. Illustration de couverture par HĂ©lĂšne Marchetto. Puissiez-vous partager le plaisir de leur dĂ©couverte. Anthologie officielle du festival Nice Fictions 2018. Voir la gamme et acheter
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